Feu
Il apparaît que perdre l'essentiel sous l'accumulation maniaque des détails, et par d'impressionnantes totalisations plurielles étouffer le singulier grandiose de la vie, décidément soit la plus savante activité de notre époque si savante, qui ne sait plus ni ignorer, deviner, ni aimer. La peur de l'avenir souffle dans notre temps comme un vent d'épouvante et le tient détourné. On a lâché la vie pour s'occuper plus aisément des circonstances de la vie, en dresser plus commodément l'inventaire notarié, en façonner et refaçonner sans cesse les minutieuses maquettes de carton. Mieux encore, on s'attache, dirait-on, enfoncé sans espoir dans cette fatalité mensongère, à désarmer jusqu'au passé de ses grandeurs et de ses feux, qui pourraient brûler encore, dans l'effroi qu'il pût être braqué sur nous comme le canon vengeur d'une humanité vivante encore sur une humanité qui se déserte, ou comme un doigt tendu qui nous rappelle à notre honte.