Ah, les paquebots, les charbonniers, les navires à voile,
Se raréfient, pauvre de moi ! les navires à voiles sur les mers !
Et moi, qui aime la civilisation moderne, moi qui baise de l'âme des machines,
Moi l'ingénieur, moi le civilisé, moi élevé à l'étranger,
J'aimerais n'avoir encore sous les yeux des voiliers et des bateaux de bois,
Ne connaître d'autre vie maritime que l'antique vie des mers !
Parce que les mers anciennes sont la Distance Absolue,
Le lointain pur, libéré du poids de l'Actuel...
Et, las ! Comme tout ici remémore cette vie meilleure,
Ces mers, plus vastes, parce qu'on y naviguait plus lentement,
Ces mers mystérieuses parce que moins connues...
Fernando Pessoa, Ode Maritime