Et voici la jeunesse à présent qui s'ennuie dans ses jours. Non pas ici ou là, ce qui serait un signe révocable, mais sur la terre entière et au même moment, de la même façon : une jeunesse saturée et sous l'accablement sinistre de l'ennui, ignorant tout à coup qu'elle devrait être ce qu'elle n'est pas, la jeunesse de l'humanité et sa dernière fleur, pour se sentir à son insu ce qu'elle est véritablement aux derniers bords du temps : sa plus vieille génération et la plus épuisée, la plus fragile aussi dans son temps qui s'en va ; écrasée à la fois sous le poids d'un énorme passé qu'elle aimerait pouvoir rejeter d'un seul coup, et par l'insignifiance temporelle d'un avenir qui ne l'appelle plus, dont elle n'a pas la vocation, mais dont elle exige déjà de tout avoir sans attendre. Fixée sur le maintenant comme les papillons ternis sous l'épingle du collectionneur. Le sang usé. Retraitée.
C'est vrai qu'elle a raison dans tous ses torts, car on dirait qu'une génération intempestive s'est prise tout à coup à vieillir par l'autre bout : adulte au berceau et déjà méprisante, c'est à peine si elle attend ses premiers pas pour enjamber son enfance flétrie et traîner comme un poids mort son adolescence péniblement derrière elle, inutile, avant de déboucher à bout de souffle dans sa jeunesse profanée, exsangue, qui n'est plus guère à ses yeux qu'une fonction sociale, un syndicat préoccupé de défendre ses droits, le seul nom de la chose.