Dans le fait que nous rencontrions une culture où que nous tournions notre regard, et que n'ait jamais existé l'homme à l'état de nature, et plus encore, que cet «état de nature» ait été l'une des utopies européennes, nous pouvons voir à quel point l'homme est une créature étrange à qui ne suffit pas de naître une seule fois : il a besoin d'être réengendré. Ce que l'on appelle «esprit» pourrait bien être ce besoin et cette puissance de ré-engendrement qui caractérise l'homme, tandis que les autres créatures se contentent de naître une seule fois.
Toute culture en vient à être conséquence du besoin que nous avons de naître nouvellement. Aussi l'espérance est le fond ultime de la vie humaine, ce qui réclame et ce qui exige la naissance à nouveau, son instrument, son véhicule. C'est pourquoi l'être humain ne se repose pas ; c'est ce qui explique que chaque fois qu'en des cultures successives il est né à nouveau, il n'a pu parvenir à la naissance définitive, car il n'a jamais trouvé et, sans doute, ne saurait le trouver, cet être entier et achevé qu'il recherche.
Toutes les cultures réalisées, et même les utopies, sont des essais d'«être». Et les formes qui ont atteint une plus grande vigueur sont celles qui ont embrassé le plus étroitement la structure de la vie humaine, toujours en attente de renaissance.
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María Zambrano, L'agonie de l'Europe
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