À la lune
Face à la musique improvisée (c'est-à-dire autant de musiques particulières), il serait facile de s'amuser des réactions antithétiques, ici on la trouvera parlante cependant que là elle relèvera de la pure charlatanerie ; ici de caresser le poil, là de l'hérisser ; etc.
Le disque To the moon de Jean-Marc Foltz, Matt Turner et Bill Carrothers, tout improvisé qu'il soit, élude quelque peu ce débat. Après maintes écoutes, toujours aussi difficile de croire que la musique n'y est pas écrite. Et pourtant.
Dès le commencement, le souffle grave de la clarinette basse emmené par le violoncelle jusqu'au piano fait oublier cette question devenue superflue. S'en suit lente montée jusqu'à ce que le piano se délie — un temps seulement — avant de se taire.
Plus tard, au départ du triplet de morceaux qui clôt le disque, les vieux pantomimes 1 quand les notes du piano sont voilées par la vibration évanescente d'une peau, voilà la partition manquante : frissonnant sur les cordes frappées du piano (je savais bien qu'elle se trouvait quelque part... mais à la questionner elle disparaîtrait aussitôt). Chemin faisant, une citation de Summertime transforme presque le morceau en variations et rappelle encore et encore à la nuit, à la lune. La berceuse d'ailleurs s'achève au seuil de l'ode À Colombine 2 et brillent les fleurs pâles du clair de lune 3, avant que ce soit l'album qui se termine, sur une prière qui sera sa plus longue pièce 4.
1 Old pantomimes, huitième piste.
2 To Columbine, neuvième piste.
3 Albert Giraud, À Colombine, dont une strophe est citée en accompagnement du disque.
4 Prayer, dixième et dernière piste.
Photo : Gardonne, Dordogne, septembre 2010, pleine lune.